JFK L’assassinat les questions
Dallas 22 novembre 1963

Site dédié à l’assassinat du Président Kennedy et à l’étude des questions sans réponse pleinement satisfaisante près de 60 ans après les faits.

La Commission du Président

par Pierre NAU


Avec Earl Warren, président de la cour suprême des Etats-Unis d’Amérique à sa tête, la Commission du Président avait été mandatée par le Président Lyndon Baines Johnson pour faire toute la lumière sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy.
Le FBI et les Services Secrets apportaient leur précieux concours à cette vaste entreprise.

 

La composition de la Commission était la suivante :

 

 

 

 

 

 

 

 

Membres
Qualité
James Earl Warren
Président
Richard B. Russel
membre
John Sherman Cooper
membre
Hale Boggs
membre
Gerald R. Ford
membre
Allen W. Dulles
membre
John J. McCloy
membre

La commission était assistée dans ses travaux par des conseillers. En voici la liste :

Membres
Qualité
J. Lee Rankin
Conseiller général
Francis W. H. Adams
conseiller
John A. Ball
conseiller
David W. Belin
conseiller
William T. Coleman
conseiller
Melvin A. Eisenberg
conseiller
Burt W. Griffin
conseiller
Leon D. Hubert
conseiller
Albert E. Jenner
conseiller
Weisley G. Liebeler
conseiller
Norman Redlich
conseiller
William D. Slawson
conseiller
Arlen Specter
conseiller
Samuel A. Stern
conseiller
Howard PWillens
conseiller

 

Beaucoup de choses ont été dites à propos de cette Commission. Certes le travail effectué par ses membres est incomplet pour ne pas dire orienté tant la voie du tueur solitaire a été privilégiée. Après un an d’enquête elle désigna Lee Harvey Oswald comme seul responsable de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy.

Celui-ci avait agi seul et sous l’effet d’une pulsion soudaine et irréfléchie. La Commission Warren basait sa conclusion et en particulier sa conviction sur la culpabilité de Lee Harvey Oswald sur les 8 preuves suivantes :

  • Lee Harvey Oswald possédait le fusil utilisé pour tuer le Président Kennedy et blesser le Gouverneur Connally ;
  • Il avait introduit le fusil à l’intérieur du Dépôt de livres scolaires du Texas, le matin de l’assassinat ;
  • Lee Harvey Oswald se trouvait, au moment de l’assassinat, à la fenêtre d’où avaient été tirés les coups de feu ;
  • Il avait tué l’Officier de Police J.D Tippit dans le but apparent de prendre la fuite ;
  • Il résista lors de son arrestation en essayant de dégainer un pistolet complètement chargé et de tuer un autre Officier de Police ;
  • Il mentit à la Police après son arrestation à propos de points importants ;
  • Il essaya en Avril 1963 d’assassiner le Général Edwin A. Walker ;
  • Lee Harvey Oswald possédait les aptitudes au tir qui le rendait capable de commettre l’assassinat ;

En se basant sur ces conclusions, la Commission en a conclu que Lee Harvey Oswald était l’assassin du Président Kennedy.

Très vite, les conclusions de la Commission Warren furent contestées. Il faut dire que certaines de ses conclusions étaient contredites par des dépositions de témoins qui figuraient dans les annexes du rapport proprement dit. C’est ce que ne manqueront pas de relever certains critiques, parmi lesquels se trouvaient un français Léo Sauvage alors correspondant permanent du Figaro aux Etats-Unis. Dans son livre magistral l’affaire Oswald, il met l’accent sur les incohérences, les contradictions du Rapport Warren et sur la conduite en général de l’enquête. Que ce soit à Dallas au moment du début de l’affaire, c’est à dire à l’instant où Oswald est arrêté et par la suite lors du travail de la Commission. Malheureusement son livre n’a pas été réédité depuis. Toutefois, trois articles (en anglais) écrits par Leo Sauvage sont disponibles :

 

" The Warren Commission’s Case Against Oswald " (Leo Sauvage, The New Leader , 22 November 1965)
" Oswald’s Case Against the Warren Commission "   (Leo Sauvage, The New Leader , 20 December 1965)
" The Case Against Mr. X " (Leo Sauvage, The New Leader , 3 January 1966)

Faut-il pour autant condamner en bloc le Rapport Warren et en conclure qu’il ne présente aucun intérêt. Non, car il serait injuste de rejeter l’entière responsabilité des carences de l’enquête sur la seule Commission. Ses membres étaient soumis à des contraintes d’exercice importantes et en particulier au facteur temps. Par ailleurs, la plupart des membres de la commission avaient des obligations professionnelles auxquelles ils ne pouvaient se soustraire. Par suite, leur disponibilité au profit de l’enquête était limitée. De ce fait, il s’en sont toujours presque exclusivement remis aux résultats des investigations du FBI et Services Secrets. Ils n’étaient pas suffisamment nombreux pour reboucler certaines informations ou pour procéder par eux-même aux compléments d’enquête nécessaires.

Si des zones d’ombres subsistaient au moment où Earl Warren remettait son rapport au Président Johnson à la fin de l’année 1964, la commission ne pouvait être tenue pour seule responsable. Les instances fédérales et en particulier celles qui avaient assisté la commission dans sa tâche avaient elles aussi leur part de responsabilité. Il est aussi nécessaire de rappeler le contexte de l’époque et le besoin impératif d’avoir un coupable désigné pour expliquer l’empressement des autorités gouvernementales américaines. Le traumatisme dans l’opinion était tel que la désignation d’un coupable déséquilibré ayant agi isolément avait de quoi rassurer. Lee Harvey Oswald présentait toutes les garanties dans la mesure où n’appartenant pas à un complot, le système et le peuple américain étaient de cette façon rassurés.

Venons aux détails des critiques qu’elle peut susciter. Elle concernent :

 Sa composition,

 Son mandat,

 Ses moyens,

 Sa tendance à contredire dans ces conclusions les déclarations de certains témoins,

 Son obstination à faire prévaloir une thèse (le tireur solitaire) au risque d’oublier ou de négliger les faits et témoignages qui ne collaient pas à cette conclusion.

1 - Sa composition :
Sa composition a été arrêtée très rapidement par Lyndon Baines Johnson le successeur de John Kennedy. En procédant ainsi il évitait au Congrès de s’en mêler et il disposait d’’une Commission en qui il avait une confiance totale. Pour assoir la légitimité de la Commission il demanda à James Earl Warren, Président de la cour suprême des Etats-Unis de la diriger. Enfin, pour éviter tout reproche de la part du Congrès il choisit un de ses membres : Gerald Ford. C’était aussi habile de la part de Johnson de choisir un représentant Républicain, montrant ainsi son impartialité. La Commission présidée par Earl Warren avait incontestablement fière allure si l’on considère la réputation et le passé professionnel de ses membres. Le "Chief Justice" Earl Warren était un homme intègre et un juriste de très haut niveau. D’emblée, il donnait à la Commission, la respectabilité dont elle avait besoin pour inspirer au peuple américain la confiance nécessaire que sa mission difficile réclamait.

C’est maintenant un secret pour personne que le Chief Justice n’a pas accepté cette mission de gaîté de coeur. Il faudra la persuasion de Johnson pour qu’il cède finalement. Certains témoins de l’époque diront même que Johnson ne lui laissa pas le choix et qu’Earl Warren avait accepté par esprit civique et parce que c’était un homme d’éthique. Ces mêmes témoins déclareront avoir vu Earl Warren ressortir du bureau ovale les larmes aux yeux. Pourquoi ? L’explication ou la thèse avancée par de nombreux chercheurs est la suivante :

Johnson aurait dit à Earl Warren d’arriver à la conclusion du tireur solitaire pour éviter un traumatisme profond au sein de la population de nature à déstabiliser les institutions. Cette façon de faire aurait fortement contrarié Earl Warren qui n’avait pas l’habitude de procéder d’une façon contraire à ses principes. Il aurait finalement cédé aux injonctions de Johnson par esprit de sacrifice et pour éviter à quelqu’un d’autre de s’acquitter d’une telle besogne. Ebranlé il serait donc ressorti du bureau du Président dans l’état mentionné précédemment.

Malheureusement, Earl Warren n’était pas entouré de personnes de son niveau. Le choix de certains membres avait de quoi surprendre. Pour n’en citer qu’un, celui d’Allen Dulles avait de quoi surprendre. L’ex patron de la CIA avait été limogé par le Président Kennedy pour faute grave, à la suite du fiasco de la Baie des cochons. Impliquée dans d’autres affaires suspectes, l’agence pouvait être mêlée à l’assassinat, ne serait-ce que par négligence ou pour ne pas avoir su prévenir l’attentat. Par ailleurs, son indépendance pouvait être contestée ? En effet, Allen Dulles pouvait avoir le réflexe de protéger son ancienne "maison", même si sa présence pouvait s’expliquer par ailleurs, si l’assassinat du Président avait été le fait d’une puissance étrangère. Dans ce cas l’agence de renseignement aurait pu apporter à la Commission les informations nécessaires. Mais alors pourquoi John Edgar Hoover, le tout puissant et très informé directeur du FBI, n’était pas présent au sein de la Commission. Plus particulièrement chargé des affaires intérieures, sa place aurait été plus compréhensible. Car rappelons que la CIA est en principe chargée des affaires hors du territoire. Mais une dérive avait fait de l’agence à l’époque presque un état dans l’état. Inquiet de sa puissance et pas toujours complètement informé de certaines de ses actions, John Fitzgerald Kennedy avait décidé d’y mettre bon ordre. Pour toutes ces raisons, les ressentiments d’Allen Dulles envers Kennedy étaient importants et on pouvait légitimement douter de sa totale transparence.

Hormis ce cas particulier, on notera que les autres membres présentaient des profils variés qui donnaient à la Commission l’allure d’un panel de compétences adapté à sa mission. Mais nous allons voir que le mandat confié à ce panel était peut-être trop vaste, pour être rempli par des personnages qui avaient d’autres occupations et qui ne pouvaient pas avoir la disponibilité nécessaire à l’accomplissement d’une telle mission.

2- Son mandat :

Le mandat de la Commission était très claire si on se réfère l’Executive Order N° 11130 . La Commission devait " découvrir, évaluer et exposer les faits relatifs à l’assassinat du Président John Fitzgerald Kennedy. "

Cette mission était particulièrement délicate et dépassait peut être les possibilités de ses propres membres tant l’ampleur de la tâche s’annonçait gigantesque. Elle devait rapidement faire la lumière sur l’attentat qui avait coûté la vie au Président Kennedy, désigner un coupable et faire des propositions pour qu’un tel drame ne se reproduise plus. On voit bien qu’un mandat aussi complet aurait du conduire la Commission Warren à enquêter pour découvrir et non comme elle le fit se borner à vérifier les éléments que lui fournissait le FBI et les services secrets. Le dossier complexe qu’elle avait entre les mains était complexe et nécessitait le recours à des experts indépendants autres que ceux des instances gouvernementales.

L’autre point délicat de la mission de la Commission résidait dans le facteur temps. Elle devait faire vite et rendre rapidement ses conclusions pour rassurer. Dans cette optique, les membres de la Commission aurait du faire preuve d’une grande disponibilité. Ce ne fut pas le cas. Non par mauvaise volonté de la part des membres de la Commission mais par l’ampleur de l’emploi du temps. Le revers de la médaille d’avoir choisi des personnalités connues à la notoriété affirmée était que tous ces personnages devaient faire face à leurs obligations professionnelles et avaient un emploi du temps démentiel. D’emblée, l’entreprise paraissait vouée à l’échec pour ce qui concerne l’enquête qu’ils auraient du mener pour " découvrir ". Dans ces conditions ils se contenteront, ce qui était nécessaire mais insuffisant " d’évaluer et d’exposer les faits relatifs à l’assassina t".

En fonction des éléments fournis par les agences fédérales et des auditions des témoins qu’ils mèneront personnellement. Malheureusement et sans aborder l’aspect sélectif des auditions choisies, le temps leur manquera pour auditionner tous les témoins qui auraient du être entendus dans le cadre d’une enquête de cette importance.

Sans pour autant l’accuser sans preuve de s’être prêté à une entreprise de dissimulation pour faire triompher la thèse qui rassurait tout le monde (le tireur fou solitaire), il faut bien reconnaître que la Commission avait tout intérêt à privilégier la voie qui lui permettrait de gagner du temps c’est à dire conforter la conclusion à laquelle les instances fédérales étaient arrivées. Peut-être qu’en lui demandant de répondre au mandat trop important qui était le sien la Commission en est arrivée à limiter son enquête à des travaux de vérification partiels.

Enfin la Commission était soumise à la contrainte du temps. Le rapport qui a été finalement publié au cour du dernier trimestre 1964, devait à l’origine être terminé au mois de juin. Sachant que le travail effectif ne débuta qu’au début de 1964, la Commission disposait d’à peine 6 mois pour enquêter, vérifier, auditionner les témoins et enfin rédiger son rapport. Bien entendu, elle ne fut pas en mesure de remplir son contrat et il a fallu un délai supplémentaire pour qu’elle puisse rendre enfin son rapport. Ceci ne s’est pas fait sans mal car les pressions étaient forte pour qu’elle achève son travail. Earl Warren le premier exerça une pression importante sur ses membres et conseillers. Le retard s’était accumulé à cause des moyens limités dont disposait la Commission Warren.

3 - Ses moyens :

Les moyens dont disposait la Commission Warren pouvaient paraître important à première vue. La Commission n’était pas seule. Elle avait pour l’aider dans sa tâche et à son service rien mois que :


 le FBI,

 les Services secrets.

Ces derniers avaient en effet fait leur propre rapport et rassemblé un certains nombres de pièces à conviction et de témoignages. Tous les résultats de leurs travaux devaient en principe mis à la disposition de la Commission Warren. On sait maintenant qu’il n’en fut rien et que John Edgar Hoover, le directeur du FBI, veillera personnellement à ce que certaines in formations ne soient pas connues de la Commission au nom de la raison d’Etat et de la défense des intérêts suprêmes de la nation. Un épisode illustre parfaitement le peu de transparence des instances fédérales et concerne le voyage d’Oswald à Mexico. Ironie du sort, c’est au cours du seul point ou presque qu’avait décidé de vérifier la Commission Warren, que la CIA en particulier révélera un comportement pour le moins curieux. En prétendant d’abord que la caméra qui enregistrait les allées et venues des gens qui pénétraient à l’intérieur de l’ambassade d’URSS était en panne au moment où Oswald s’y était rendu. Puis en fournissant plus tard un cliché sensé représenter Oswald et qui n’a aucune ressemblance avec l’assassin présumé.

Aussi important que pouvaient être les moyens mis à la disposition de la Commission, il n’en demeure pas moins vrai que cette dernière devait s’en remettre quasi exclusivement aux preuves fournies par les agences fédérales pour conduire son enquête. C’est dire la confiance qu’elle devait avoir dans celles-ci. Or cette dernière avait été trahie une première fois dans l’épisode de la prétendue photo d’Oswald à l’ambassade d’URSS.

Enfin, la composition de la Commission constituée d’avocats et de juristes pour l’essentiel, n’avait pas d’experts scientifiques dans ses rangs. C’était une raison supplémentaire pour s’en remettre aux expertises de deux agences fédérales qui avaient chacune des choses à se reprocher dans l’assassinat du Président :

Pour le FBI :

 de n’avoir pas exercer sur Oswald la vigilance nécessaire dans les semaines qui précédèrent la venue du Président à Dallas et de ne pas l’avoir considéré comme une personne potentiellement dangereuse.

Pour les services secrets :

 d’avoir commis des négligences lourdes de conséquences dans la protection du Président.

Aussi la tentation était grande pour ces dernières de couvrir les manquements de certains de leurs membres et protéger ainsi leurs agences respectives. D’une certaine façon, la Commission a limité ses possibilités d’investigation en s’en remettant sans les vérifier aux éléments fournis par le FBI et les services secrets.

4 - Sa tendance à contredire dans ces conclusions les déclarations de certains témoins :

C’est malheureusement une tendance assez fréquente chez cette Commission. Un examen attentif du Rapport permet dès les premières pages de noter des divergences entre :

 Les chapitres du rapport

 Les déclarations des témoins se rapportant directement aux faits évoqués dans le chapitre.

 Cette façon de procéder surprend à la fois et jette le discrédit sur un travail par ailleurs précis et de qualité dans la forme.

De nombreux exemples permettent de mettre en évidence cette pratique pour le moins contestable.

La Commission conclue au chapitre 1 qu’il existe une preuve très probante aux yeux des experts pour indiquer que la même balle ait traversé la gorge du Président et causer les blessures du Gouverneur Connally. Toutefois, le Gouverneur et certains éléments supplémentaires (le film de Zapruder en particulier) ont donné lieu au sein de la Commission à quelques différences d’opinions quant à cette éventualité. Sans pour autant résoudre le dilemme, cette même Commission arrivera à la conclusion que les trois coups de feu qui avaient tué le Président et blessé gravement le Gouverneur avaient été tirés du sixième étage du Dépôt de livres et qu’une même balle avait atteint les deux hommes.

La façon dont Ruby est entré dans le sous-sol de l’immeuble de la Police offre une autre occasion à la Commission Warren d’être affirmative en dépit des zones d’ombre restantes. Bien que le policier Robert Vaughn en faction devant l’entrée ait déclaré sous serment qu’il n’avait pas vu Ruby s’introduire dans les locaux par la rampe et que si tel avait été le cas il l’aurait vu, la Commission affirmera que le poids de l’évidence (sic) indiquait qu’il avait descendu la rampe conduisant au sous-sol des locaux de la Police.

La Commission fut également très affirmative quand elle dit que le Président n’avait pas souhaité que des agents des Services Secrets prennent place sur le marche pied de la Lincoln. Ils ne devaient le faire qu’en cas de nécessité. Bien que cette directive du Président ait été possible, il ne semble pas que le Président l’ait fait le matin de l’assassinat. Les avis différaient sur la question. En conséquence, rien n’autorisait la Commission à être aussi catégorique.

Bien que le FBI ait déclaré que la balle entrée dans le dos n’avait pénétré que de quelques pouces et que le Docteur Humes n’ait ni sondé et donc mis en évidence le trajet de la balle, la Commission conclura que cette balle était ressortie par la gorge.

Malgré les déclarations du Docteur Pierre Finck (l’assistant du Docteur Humes chargé de l’autopsie) disant que la balle unique CE399 n’avait pu causer la blessure au poignet du Gouverneur, la Commission affirmera le contraire dans son rapport.

Ces quelques exemples pris parmi d’autres illustrent bien la tendance de la Commission à interpréter à son avantage les témoignages pour qu’ils corroborent la thèse qu’elle avait décidé de privilégier.

5 - Son obstination à faire prévaloir une thèse (le tireur solitaire) au risque d’oublier ou de négliger les faits et témoignages qui ne collaient pas à cette conclusion :

C’est sûrement le plus gros reproche qui peut être fait à la Commission. C’est ce qui la rend suspecte au yeux de certains et qui discrédite quelque peu son travail.

Le meilleur exemple pour illustrer cette obstination est encore celui de la CE399 support de la théorie de la balle unique (SBT : Single Bullet Theory) . Pour imposer coûte que coûte cette théorie, c’est à dire que la même balle entrée dans le dos du Président était ressortie par sa gorge avant de pénétrer dans le dos du Gouverneur puis ressortissant par la poitrine avait fini par se loger finalement dans la cuisse gauche du Gouverneur non sans lui avoir brisé le poignet gauche au passage, la Commission ira même jusqu’à contredire le rapport du FBI. Pour ce dernier la balle avait atteint le Président dans le dos au dessous de l’épaule et avait pénétré de quelque centimètres (quelques phalanges de doigt). Cet entêtement se comprend. Comme Oswald avait tiré les trois coups de feu et que l’un d’eux avait raté la limousine, il fallait bien qu’elle puisse reconstituer avec les deux balles restantes l’ensemble des blessures subies par les deux hommes. Au risque de contredire les experts scientifiques du FBI.

En voulant faire triompher sa thèse, celle du tireur unique, la Commission omit d’interroger des témoins qui n’allaient pas forcément dans son sens. Ce fut le cas de Julie Ann Mercer qui, bloquée dans un embouteillage dans Elm street le matin de l’attentat, avait vu un homme se diriger vers le sommet du Grassy Knoll portant quelque chose qui ressemblait étrangement à un étui de fusil. L’homme avait récupéré ce paquet à l’arrière d’un camion au volant duquel se trouvait un homme que Mercer identifia formellement comme étant Jack Ruby. Que Mercer ait vu juste ou non, il aurait été opportun de la convoquer et de la questionner.

Julie Ann Mercer ne fut pas la seule. Madame Walther ne sera pas non plus convoquée par la Commission Warren. Et pourtant son témoignage était intéressant et aurait mérité d’être pris en considération. Madame Walther qui se trouvait dans Elm street face au dépôt de livres, avait vu un homme un fusil à la main pointé vers le bas et regardant dans la direction de Houston. Elle fit cette observation juste avant l’attentat. Elle ajouta également que cet homme, qui était plutôt blond, portait une chemise blanche. Mais l’observation de Madame Walther ne s’arrêtait pas là. A côté de l’homme en chemise blanche, se trouvait un autre individu vêtu de brun dont elle ne pouvait apercevoir la tête qui disparaissait derrière un carreau sale. Le FBI recueillit la déposition de Madame Walther et classa le dossier. Il est vrai qu’ayant vu deux hommes à une fenêtre, dont un armé d’un fusil, la thèse du tireur solitaire était mise à mal. On comprend mieux pourquoi la Commission évita de convoquer ce témoin embarrassant. Elle pouvait alors conclure qu’aucun témoin n’avait vu plus d’une personne à la fenêtre du cinquième étage.

S’agissant de l’autopsie, la Commission n’a pas été non plus exempte de tout reproche. Ayant pris la décision louable en soi de ne travailler qu’à partir de croquis et dessins réalisés pour la plupart par Harold Rydberg d’après les indications des médecins ayant pratiqué l’autopsie, la Commission s’exposait à des erreurs. Mais en procédant de cette façon elle voulait éviter que des clichés insoutenables deviennent publics et portent atteinte à la vie privée de la famille Kennedy. 

Le résultat est que les dessins ne correspondent pas à la réalité. Le point d’impact de la balle dans le dos est bien plus haut et désaxé que dans la réalité. Une corrélation avec les photos de l’autopsie et croquis réalisés par le Docteur Humes en particulier, aurait permis d’éviter de telles erreurs. Toutefois ces " différences" arrangeaient bien la Commission. En plaçant le point d’impact de la balle dans le dos à l’endroit figurant sur le croquis contenu dans le rapport, le trajet de la balle unique devenait plus rectiligne et augmentait la probabilité que la balle ne rencontre pas de structures osseuses, susceptible de l’altérer de manière significative. L’explication du peu de dégâts constatés sur la CE399 s’en trouvait facilitée.

Malheureusement la réalité était différente. Le point d’impact de la balle entrée dans le dos du Président était plus bas que la blessure à la gorge. Il aurait donc fallu que la balle remonte vers le haut avant de ressortir par la gorge. C’était une raison supplémentaire de s’assurer et de reconstituer le trajet de la balle dans le corps au cours de l’autopsie. L’erreur contenue dans le croquis arrangeait donc la Commission pour défendre sa thèse de la balle magique dans la mesure où un trajet rectiligne de la balle à travers le corps du Président crédibilisait sa thèse.

A vouloir trop aller dans une direction unique la Commission n’a pas complètement rempli son mandat qui était de "découvrir, évaluer et exposer les faits relatifs à l’assassinat du Président John Fitzgerald Kennedy." C’est regrettable mais peut-être cette démarche arrangeait-elle beaucoup de monde.

6 - Conclusion

Voilà pourquoi le travail de la commission ne pouvait être qu’incomplet et discutable puisque tentée elle aussi d’étayer et de privilégier l’hypothèse du tireur unique. Toutefois, il ne faut pas rejeter un ouvrage sans l’avoir lu même si malheureusement il n’est disponible qu’en anglais. C’est le moyen le plus sûr de se faire une opinion personnelle et de juger du travail accompli par la commission présidée par Earl Warren. 

  • Pour lire le rapport proprement dit : Le Rapport Warren
  • Pour les témoignages cette adresse offre un éventail très complet : Les 26 volumes des témoignages et pièces à convictions
  •  Enfin pour bien comprendre le fonctionnement et la méthode de travail de la Commission Warren la lecture du livre d’Edward Jay Epstein : Le rapport Epstein permet d’y voir plus clair et de comprendre pourquoi le travail de la Commission ne pouvait être que incomplet. Entre la vérité toute nue à découvrir et la vérité d’état il semble qu’elle ait fait un choix. Mais était-il librement consenti ?

 


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