JFK L’assassinat les questions
Dallas 22 novembre 1963

Site dédié à l’assassinat du Président Kennedy et à l’étude des questions sans réponse pleinement satisfaisante près de 60 ans après les faits.

Une preuve controversée

par Pierre NAU

La preuve acoustique est l’élément clé sur lequel s’est basé le HSCA pour conclure à la haute probabilité d’un complot dans l’assassinat du Président Kennedy (plus de 95%).
L’apparition de cette preuve créa un vif émoi, tant du côté des partisans de la thèse du complot qui pensaient tenir là la preuve qui leur faisait défaut que des tenants de la thèse officielle, déstabilisés par ce nouvel élément susceptible de remettre en cause les conclusions de la Commission Warren qui avait conclu, quelques 15 ans plus tôt, à la seule culpabilité de Lee Harvey Oswald dans l’assassinat du Président.

Outre les experts mandatés par le HSCA (Weiss et Aschkenasy à la suite de l’étude faite par Bolt Beranek et Newnan), le panel mandaté par le minitère de la justice (panel Clark ou NAS) et chargé de compléter le travail du HSCA, sur la recommendation de ce dernier en 1978, a examiné la preuve acoustique.

Les deux panels d’experts ont utilisé la même preuve. Toutefois, ils sont arrivés à des conclusions très différentes, illustrant clairement leur profond désaccord :

 le HSCA a étudié des empreintes d’onde acoustique ou impulsions et les échos associés,

 le panel Clark s’est focalisé sur le problème de "cross talk" ou interférence de communication d’un canal de communication sur l’autre (canal2 sur canal 1) pour montrer que la fameuse phrase Hold everything secure prononcée par Decker plus d’une minute après les coups de feu intervenait au moment et à l’endroit ou Weiss et Ashkenassy avaient pointé les impulsions acoustiques.

Par conséquent, le panel Clark faisait remarquer, non sans logique, que le HSCA s’était trompé et que les coups de feu étaient intervenus bien avant et certainement pas à l’endroit et au moment où les experts du HSCA l’avaient dit.

Depuis, une bataille fait rage en pointant çà et là des éléments susceptibles d’expliquer cette incroyable divergence entre experts. Ces éléments concernent pour l’essentiel :

 la fiabilité et l’intégrité du matériel examiné,

 la synchronisation des appareils, l’un par rapport à l’autre (Dictabelt et Audograph) sur lesquels les conversations du canal 1 et 2 étaient enregistrées,

 l’état de surface des disques souples, altéré par leur stockage dans des enveloppes navettes, avant leur acheminement pour examen,

Origine de la preuve :
Le 22 novembre 1963, la police de Dallas émettait sur 2 canaux bien distincts :

 Le canal 1 réservé aux conversations de routine,

 Le canal 2 réservé aux officiels comme le chef de la police Jesse Curry et le shérif Decker qui se trouvaient parmi le défilé dans la voiture de tête.
Sur le canal 1 et 2 les dialogues étaient contrôlés, au niveau central, par un dispatcher avec lequel les forces de l’ordre sur le terrain dialoguaient, à intervalles de temps réguliers. Ce même dispatcher indiquait régulièrement l’heure, se basant sur l’horloge présente dans les locaux du commissariat.

Caractéristiques du matériel :
Le dictaphone utilisé par la police de Dallas était un appareil dédié à la transmission vocale. Un dispositif permettait à l’opérateur de régler la vitesse d’enregistrement, à sa main. Il n’y avait donc pas de vitesse d’enregistrement standard, préétablie une bonne fois pour toute.
Cette particularité a eu bien entendu des conséquences sur les enregistrements réalisés postérieurement au 22 novembre 1963, dans la mesure où ces copies ont été faites à partir d’appareils d’enregistrement différents.

Dès le 22 novembre, au soir de l’assassinat,à 17 heures précises, le DPD Chief Lumpkin demande que tous les enregistrements radio lui soit remis. A partir de ce moment là, les bandes vont être l’objet de différentes allées et venues entre différents organismes :

 une fois les bandes collationnées, Lumpkin les remet au FBI qui les lui restitue quelques jours plus tard,

 le 29 novembre, les bandes sont remises au Secret Service pour qu’il en fasse des copies,

 les premières transcriptions du DPD interviennent le 3 décembre 1963.

Aujourd’hui nous disposons de plusieurs sources :

 les enregistrements des bandes originales du DPD faits par Jim Bowles du DPD,

 les enregistrements effectués en 1978 par les consultants du HSCA,

 les enregistrements effectués par le NAS ou panel Clark, en utilisant les moyens techniques du FBI.
Jim Bowles a été le premier à réaliser des copies des bandes. Il l’a fait à partir d’un appareil loué pour la circonstance.
L’enregistrement fait par les consultants du HSCA n’avait pour but que de valider le travail de Bowles. Après l’avoir déclaré comme tel, le HSCA utilisa les bandes de Bowles pour son travail et non les siennes. La raison de ce choix était logique. Le temps et les écoutes répétées sur l’original avaient fini par tant altérer la bande que la copie de Bowles fut jugée comme la plus fidèle et la plus proche de ce qu’était l’original du 22 novembre 1963.


La synchronisation des deux matériels :
Cette hypothèse a longtemps été avancée par les critiques du NAS. Pour faire court, un défaut de synchronisation entre le Dicdabelt qui enregistrait les conversations du canal 1 et l’Audograph qui traitait celles du canal 2 pouvait être à l’origine du crosstalk du canal 2 sur le canal 1.
L’argument était que le canal 2 était en avance par rapport au canal 1, ce qui expliquait que le crosstalk était intervenu en avance par rapport à l’heure réelle et intervenait au moment des impulsions relevées par le HSCA, sur le canal 1.
Voyons cela un peu plus dans le détail :

Anomalie constatée :
En toute rigueur, il ne devrait pas y avoir de différences entre les différentes versions dans la mesure où elles traitent toutes du même sujet. La différence notable constatée concerne un point qui pourrait passer comme un détail de pure forme mais qui a son importance.

Vitesse d’enregistrement :
Au cours de sa procédure de validation, le HSCA s’est aperçu que l’appareil loué par Bowles avait une vitesse d’enregistrement de 5% plus rapide que celle du dictabelt en service au DPD. Par suite, le temps est comprimé d’autant sur la copie de Bowles. Autrement dit, les évènements se produisent « 5% » plus tôt.
Le HSCA ne fut pas le seul à faire cette découverte. Le NAS, son plus farouche détracteur fit la même constatation. Entre deux diffusions, ils s’aperçurent qu’il y avait des intervalles de temps différents :

 171 secondes sur l’enregistrement de Bowles,

 178 secondes sur l’enregistrement qu’ils avaient réalisé à l’aide des moyens du FBI.
Bien entendu, les divergences constatées ne sont pas rédhibitoires. Il suffit d’appliquer un coefficient correcteur pour rétablir la vitesse d’enregistrement de l’original. Encore faut-il l’appliquer correctement.

Pour illustrer le propos, le plus simple est « faire parler » les bandes relatives au Canal 1 et 2.

Canal 1 :
De 12h28 à 12h33 :
Entre l’annonce de 12h28 par le dispatcher et 12h34, un microphone d’une motocyclette de la police de Dallas est coincé en position ouverte, donc en émission permanente.
Pendant 5mn30 le Channel 1 émet, en grande partie, un bruit de moteur de motocyclette,
Incapables de communiquer, les officiers de police commencent à basculer progressivement sur le Channel 2.
A 12h33, le dispatcher du Channel 1 annonce :
"There a motorcycle officer up on Stemmon’s with his mike stuck open. Could you send someone up there to tell him to shut it of"
C’est pendant cette période que sont enregistrées les impulsions sur le canal 1.

Canal 2 :
12:29:50, Fisher prononce « I’ll check it »,
15 secondes après que le dispatcher annonce 12h30, Curry hurle dans le micro :
Go to the hospital, We’re going to the hospital, Officers, Parkland Hospital.
12:31:28, Decker prononce le fameux Hold everything secure objet de tant de polémiques
Constatation : 1mn38 secondes séparent les communications de Fisher et de Decker.

Les crosstalks :
La deuxième anomalie constatée concerne les fameux crosstalk, messages émis du Canal 2 et qui apparaissent sur le Canal 1.
En reprenant l’exemple précédent, les deux phrases « I’ll check de Fischer et Hold everything secure de Decker sont également présentes.

Constatations : 10 secondes seulement entre les 2 communications.
D’un canal à l’autre on constate 1 mn 28 secondes d’écart entre les deux phrases.
La différence de temps est énorme.
Cette divergence de temps mérite quelques explications.

Les facteurs complémentaires agissant :
Aux distorsions générées par les vitesses d’enregistrements, il convient de prendre deux autres facteurs susceptibles de fournir une explication à cette divergence :

 L’arrêt d’enregistrement,

 Les déplacements du stylet (analogue à l’aiguille de nos platines ou autres phonographes),

L’arrêt d’enregistrement :
Les deux enregistreurs le dictabelt (Channel 1) et le Ray Audograph (Channel 2) étaient tous deux « sound actuated » soit déclenchés par le son. C’est-à-dire que toute absence de son ambiant pendant 4 ou 5 secondes se traduisait par l’arrêt des enregistreurs.

Toutefois, malgré toutes les études faites, en particulier celles du chercheur D. B Thomas, personne n’a jusqu’ici réussi à convaincre pleinement et à prouver, au-delà du doute raisonnable, que le défaut de synchronisation pouvait se mesurer à une différence de 1mn30 entre les deux systèmes enregistreurs.

Les déplacements du stylet (analogue à l’aiguille de nos platines ou autres phonographes)
Une autre hypothèse avancée pour expliquer la présence du crosstalk, à l’endroit où le HSCA plaçait les impulsions, concernait l’état de surface des disques souples sur lesquels les conversations étaient enregistrées.
Les disques souples étaient de forme cylindrique et disposés autour d’un support de forme identique.



Une fois les disques pleins, ils étaient enlevés de leur support puis pliés à plat, pour pouvoir être conditionnés dans une enveloppe de courrier classique. Pour les besoins de l’enquête et pour pouvoir effectuer les copies mentionnées plus haut, les disques cylindriques souples du 22 novembre furent acheminés de cette façon aux organismes demandeurs.
La pliure consécutive au conditionnement aurait pu avoir des conséquences au niveau de la fabrication des copies, en provoquant un ou des sauts de l’aiguille de lecture de l’appareil utilisé (un peu comme un disque vinyle rayé), susceptibles de provoquer les désynchronisations avancées par D.B. Thomas et d’autres chercheurs. Ceci d’autant plus que le crosstalk de Decker n’était pas le seul observé dans l’enregistrement effectué ce jour là.

Là encore,D.B. Thomas n’a pas totalement convaincu. Loin s’en faut.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Quelques repères :
Pour le panel du NAS, les derniers à s’être intéressés à la preuve acoustique, la reconstitution du timing est la suivante :
t=0s Instant de la fusillade
t=25s Jesse Curry de l’intérieur de la voiture de tête dit : Go to the hospital
t=1mn21s transmission de : Alright
t=1mn26s instant des impulsions du HSCA
t=1mn32s Bill Decker prononce le fameux Hold everything secure :

t=1mn40s Instant où le son d’un carillon :

t=3m35s Moment où l’on entend des sons de sirènes.

De ce qui précède, on en conclut que :
Le crosstalk indique que les coups de feu se produisent plus d’une minute avant les impulsions du HSCA, supposées être la signature de la fusillade.

Explications possibles
Deux hypothèses :

 soit la communication sur le canal 1 provient de la salle du coordonnateur (dispatcher) des communications radio, ce qui expliquerait, partiellement l’absence de bruit de foule,

 soit la communication sur le canal1 provient d’un microphone d’une moto dont l’interrupteur est resté coincé sur marche de façon accidentelle, ce qui correspond à l’hypothèse avancée par le HSCA.

Hypothèse n°1 :
Dans le premier cas, des questions viennent à l’esprit :

 pourquoi le dispatcher maintient-il le micro ouvert, ce qui est contraire à la procédure ?

 faut-il y voir ne simple coïncidence que cela se produise à cet instant et à aucun autre moment du défilé du cortège présidentiel ?
En revanche, deux faits permettent à eux seuls d’exclure cette hypothèse :

 aucune voix de dispatcher n’est reconnaissable durant le laps de temps de transmission continue sur le canal 1

 la présence de bruit de moteur de la motocyclette.

Hypothèse n°2 :
Si la communication continue provient d’une moto, comme c’est certainement le cas, deux possibiltés se dégagent :

 soit les impulsions se produisent 5 secondes avant l’instant où le situe le HSCA et dans ce cas la motocyclette se trouve à l’intersection de Main et de Houston et non à celle de Houston et de Main,

 soit les impulsions observées se produisent alors que la moto émettrice se trouve quelque part sur la Stemmons freeway, croisant à une vitesse de 112 km/h.

A ces deux questions deux faits incontestables :

 le crosstalk ou interférence de Bill Decker, le fameux "hold everything secure" se produit 90 secondes avant l’apparition des impulsions relevées par le HSCA,

 le moteur de la moto est en train de ralentir, ce qui n’est pas cohérent avec une moto croisant à 112 km/h.

Recherche de la moto :
Le seul point de convergence entre partisans du HSCA et ceux du NAS concerne l’origine de l’enregistrement du canal 1 objet de l’étude menée par le HSCA. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il s’agit d’un enregistrement provenant d’une moto émettrice dont l’intérrupteur de communication était resté coincé en position marche.
Reste à savoir à partir de quelle moto ?
Pour le HSCA, il s’agit de la moto de H.B. McLain. Les étapes qui ont conduit le HSCA à désigner la moto de McLain figurent à cette page

Malheureusement pour le HSCA, les déclarations de McLain et la preuve photographique disponible à ce jour, place McLain au croisement de Houston et de Main street et non au croisement de Houston et de Elm. Or pour que la thèse du HSCA soit retenue, Mc Lain doit se retrouver impérativement à cet endroit et nulle part ailleurs.
Ce contretemps supplémentaire, ajouté à celui du crosstalk mentionné plus haut, met singulièrement à mal la thèse du HSCA. C’est incontestable.
Toutefois, certains objectaient que compte tenu de la faible qualité de la preuve photographique, le motocycliste qui apparait sur le film de Hugues pouvait être en fait Courson et non McLain. Toutefois, en dépit de cette hypothèse supplémentaire, le problème reste entier. Aucune autre preuve photographique ne permet de voir McLain à l’endroit où il devrait être.

A cela s’ajoute les remarques complémentaires suivantes :

 Les études menées depuis ont montré à 4 reprises qu’il ne pouvait s’agir de McLain,

 A l’écoute du bruit de moteur figurant sur l’enregistrement, beaucoup d’officiers de police de Dallas ont déclaré que le micro resté ouvert de manière accidentelle était celui d’une moto tricycle et non d’une moto deux roues classique,

 Comme mentionné précédemment, le bruit du moteur et les sons des sirènes tendent à montrer que la moto au micro ouvert était à l’arrêt, quelque part sur la Stemmons freeway, alors que la limousine présidentielle se dirigeait vers le Parkland Hospital.

Partant de ces constats, le panel Clark a replacé les bruits de cette moto tricycle dans le contexte :
t=0s instant des coups de feu,
t=1mn19s la moto ralentit puis s’arrête pendant 30 secondes, approximativement,
t=1mn26s moment où les impulsions du HSCA interviennent,
t=1mn51s la moto redémarre,
t=2mn7s secs la moto s’arrête à nouveau pendant 17 secondes,
t=2mn22s nouveau déplacement de la moto pendant 18 secondes,
t=2mn40s la moto ralentit puis s’arrête pendant 5 secondes
t=2mn45s la moto se déplace à nouveau.

Conclusion :
La preuve acoustique constitue à ce jour, la seule preuve matérielle pouvant démontrer la preuve d’une conspiration dans l’assassinat du Président Kennedy le 22 novembre 1963 à Dallas. Toutefois, comme illustré plus haut des problèmes majeurs subsistent concernant cette preuve :

 la provenance des copies d’enregistrement des bandes est à elle seule sujette à caution,

 la crédibilité de la preuve acoustique présentée par le HSCA comme preuve matérielle établissant l’existence d’une conspiration est entamée.

Malgré tout, force est de contater que certains faits laissent perplexes :
- les impulsions trouvées par le HSCA sont uniques,

 ces impulsions interviennent à proximité de la fusillade et nulle part ailleurs,

 elles apparaissent sur les enregistrements radio du DPD,

 un faisceau d’indices concordants suggèrent que le HSCA avait raison, en dépit des réserves justifiées citées plus haut.


Toutefois, en l’état actuel des choses, la preuve acoustique ne peut être retenue.

 


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