L’analyse des mouvements de Tippit avant sa mort, le 22 novembre1963.
par Pierre NAU
Les mouvements de J.D.Tippit avant sa mort (traduction)
Copyright (©) 1997/1998 William M. Drenas
Revision 10/98 — Texte Additionnel en Bleu
Traduction de Jean-Claude Lecas, publiée avec l’autorisation de William M. Drenas. Reproduction interdite sans autorisation préalable de l’auteur de l’article et de celle du traducteur.
Cet article n’a aucun dessein caché. Il ne veut appuyer aucune des théories pro ou anti-conspiration de qui que ce soit. Je ne suis qu’un type ordinaire qui veut découvrir la vérité sur les meurtres du Président Kennedy et de l’agent J.D. Tippit. J’ai utilisé les meilleurs documents de recherches possibles que j’ai pu trouver. Dans la plupart des cas, j’ai utilisé les propres mots des témoins, trouvant très inopportun de mettre en avant l’interprétation de l’auteur d’une interview de témoin ou les auteurs qui citent en référence le travail des uns et des autres. De plus, j’ai essayé de faire preuve de la logique et du bon sens qui devraient dicter nos vies quotidiennes tout en refusant l’usage de toute sémantique. Cette étude suscitera peut-être plus de questions qu’elle n’apportera de réponses néanmoins c’est une recherche qui, je le crois, devait avoir été faite.
Depuis que cet article a été publié pour la première fois en juillet 1997, j’ai eu la bonne fortune de pouvoir communiquer avec les meilleurs spécialistes au monde des assassinats de JFK et de Tippit. Dans l’article original, je n’ai pas exprimé ma reconnaissance à l’égard des personnes obligeantes qui m’ont fourni l’aide nécessaire à la finition de cette publication donc, maintenant, je voudrais remercier les chercheurs suivants pour leurs contributions. Merci à Ken M. Holmes Jr., Gary Mack, Darwin Payne, Dave Perry, Bill Pulte et Larry Sneed pour avoir corrigé mon travail et fait des suggestions. Merci à Steve Hamilton des Archives Nationales à College Park, Maryland pour ses grandes connaissances et son aide. Merci à Jim Lesar pour m’avoir permis d’accéder à l’Assassination Archives and Research Center à Washington D.C. Un merci particulier à Greg Lowerey qui, par l’intermédiaire de Bill Pulte, m’a donné de nombreuses informations importantes. Cet article n’aurait jamais vu le jour sans le concours de deux hommes que j’apprécie tout particulièrement non seulement comme amis mais également comme chercheurs de tout premier ordre. Un merci tout spécial à Dave Perry pour m’avoir prodigué de nombreux conseils et fourni nombre des documents utilisés dans cet article. Enfin, des remerciements tout aussi spéciaux au Professeur Bill Pulte qui a été suffisamment généreux pour me fournir de nombreuses informations inédites n’ayant encore jamais été publiées.
Dans la plupart des investigations en matière d’homicide, c’est un procédé courant d’établir les activités de la victime lors des toutes dernières heures de sa vie. Dans le cas de l’agent J.D. Tippit, à ma connaissance, ces procédures courantes n’ont jamais été correctement faites. Par conséquent, les informations présentées dans cet article n’ont jamais été portées à la connaissance des spécialistes de l’assassinat de Kennedy. Etant donné la grande importance donnée au meurtre de Tippit, je crois que les détails de cet emploi du temps auraient du avoir été révélés dès novembre 1963 alors que la mémoire des évènements était encore très présente dans les esprits des témoins, ces derniers étant encore vivant et pouvant facilement être retrouvés.
Au cours des années quelques auteurs de livres et d’articles de magazine sur l’assassinat de Kennedy ont décrit l’agent Tippit comme étant impliqué dans le meurtre de J.F.K. Certains ont affirmé que Tippit avait réellement tiré sur le Président Kennedy et d’autres ont insisté sur le fait que la très convaincante image de "Badgeman" n’était autre que celle de J.D. Tippit. L’image de "Badgeman", découverte par le chercheur Gary Mack, est la mise en valeur par agrandissement d’une photo polaroïd en noir et blanc prise par Mary Moorman.
Cette image semble montrer un homme dans un uniforme de la police de Dallas tenant un fusil et tirant sur le président à l’instant du coup fatal (au sujet de "Badgeman" voir le livre de Robert Groden "Le Meurtre d’un Président" à la page 200 pour un agrandissement colorié de l’image).
D’autres affirment toujours que le rôle de Tippit dans la conspiration était de tuer Oswald pour le faire taire ; il y a également l’affaire Roscoe White où Roscoe prétend avoir demandé à Tippit de conduire Oswald à l’aéroport de Red Bird au sud de Oak Cliff de sorte qu’il puisse s’enfuir à bord d’un petit avion. Devant le refus de Tippit, Roscoe aurait été dans l’obligation de l’abattre.
Mon objectif est de reconstituer les déplacements de Tippit le dernier jour de sa vie afin de voir si quelque chose de spécial s’est produit ou si c’était juste un jour comme les autres dans la vie d’un policier de Dallas.
Les horaires de travail de Tippit ce 22 novembre 1963 était de 7h00 à 15h00.
Tippit dépendait de la sous-station des services de police du sud-ouest de Dallas (Southwest Substation - Batchelor Exhibit No. 5002, page 9 et Warren Commission Exhibit 2645, Volume 25, page 910). Cette antenne de police se trouvait dans le bloc 4200 de West Illinois, Oak Cliff, Dallas. Tippit avait à faire environ 9 km au volant de son véhicule de service pour se rendre sur son secteur de patrouille # 78. Si Tippit a pris la route la plus directe pour rejoindre son district il est, sur son chemin, passé devant l’ Austin’s Barbecue.
Ken M. Holmes Jr a pu retrouver deux témoins oculaires qui ont vu Tippit chez Austin ce matin là, sans toutefois pouvoir se souvenir de l’heure. Ken a effectué la plus grande partie de son travail d’investigation pour Larry Ray Harris que d’aucun considèrent comme le spécialiste numéro un au monde du meurtre de Tippit. Pour des raisons inconnues, Ken n’a jamais obtenu le crédit qui lui était pourtant dû en regard de l’important travail qu’il a effectué. C’est à Ken que nous devons les nombreuses informations que nous possédons aujourd’hui au sujet de Tippit. Ainsi, comme nous pouvons le voir, la possibilité que Tippit ait fait un arrêt chez Austin ce 22 novembre existe réellement.
Je n’ai pas réussi à retrouver de transcription radio du département de police de Dallas avant 10h00 ce jour. Il y a plusieurs versions des transcriptions radio du Canal 1 du département de police de Dallas. Nombre d’entre elles ont été publiées car elles contiennent le plus souvent les appels se rapportant au cortège présidentiel. Il n’y a pas beaucoup d’appels concernant les affaires courantes de police, telles les arrêts déjeuners des patrouilleurs ou les pauses café. La seule exception à cela se trouve dans "The Kennedy Assassination Tapes", une réfutation de l’Acoustical Evidence Theory de James C. Bowles. Ce document est disponible aux Archives Nationales et est également paru dans l’appendice de l’ouvrage "First Day Evidence" de Gary Savage. L’officier radio de la police de Dallas Bowles a établi un registre très détaillé et très précis des transmissions du Canal 1 entre 11h42 et 12h37 ce 22/11/63. La bande sonore du département de police de Dallas qui a été largement distribué au sein de la communauté des chercheurs sur l’assassinat commence à 12h15.
Lors d’une récente visite aux Archives nationales à College Park, Maryland, j’ai réussi à mettre la main sur d’importants documents relatifs aux activités de Tippit le 22/11/63. Les agents de police connaissent ces documents sous le nom de "Mark Out Records" (Fiches de Liaison) (HSCA 80-10083-10035). En 1963, quand un agent appelait le contrôleur pour prévenir qu’il allait quitter son véhicule, ce dernier remplissait une de ces fiches de liaison avec des informations se rapportant à l’appel telles que la position, l’heure, le type d’appel et les initiales du contrôleur.
Dans le premier "Voiture 10, où êtes vous ?", j’ai émis une théorie affirmant que Tippit était au restaurant Dobbs House ce fameux matin en raison des rapports faits par des employés du lieu.
Nous savons maintenant par les fiches de liaison que Tippit n’était pas au Dobbs House à 10:00 du matin mais était en train de passer un appel de son secteur de patrouille à la hauteur du numéro 2800 de l’East Illinois Ave.
On sait peu de choses sur cet appel si ce n’est que Tippit a été en contact radio à partir de 9h56 sur le signal 4 et ce jusqu’à 10h17. En 1963, 2800 East Illinois Ave. était le siège d’Aluminum Screen Manufacturing Company.
La première référence que je pourrais trouver quant aux activités de Tippit ce jour concerne les révélations faites au FBI par Mary Ada Dowling, une serveuse du restaurant Dobbs House, au 1221 North Beckley (au coin de North Beckley et de Colorado) à Oak Cliff, près du lieu de domicile de Oswald et de l’Hôpital méthodiste.
Le 6 Décembre 1963, le FBI étudiait l’existence de possibles liens entre Oswald et Ruby quand Mary Ada Dowling leur fournit l’information suivante : par des photos, elle prétendait reconnaître Oswald qui, régulièrement, prenait son petit déjeuner au restaurant entre 7h et 7h30 le matin. Elle se rappelle l’avoir vu le mercredi 20 novembre pour la dernière fois, il fut désagréable ce jour, mécontent de sa commande et employant des mots grossiers pour le faire savoir. Elle se souvient que l’agent J.D. Tippit était également dans le restaurant, à cette heure, comme à son habitude chaque matin. Il a lancé un regard à Oswald mais néanmoins il n’y avait aucune indication qu’ils se connaissaient dans leur comportement. (1)
Le 5/12/63 le FBI a interrogé Sam Rogers, directeur du restaurant Dobbs House. Il a déclaré que depuis l’assassinat du Président Kennedy il avait identifié la photo d’Oswald comme étant celle d’un individu qui avait été un client du café du Dobbs House. Ce même jour ils ont également interrogé Douglas Leake, un autre employé du restaurant. Leake a déclaré qu’il avait identifié des photos d’Oswald comme représentant un individu qui était venu au Dobbs House environ deux fois pendant les jours précédant l’assassinat. De même, Dolores Harrison, employée du restaurant depuis six ans, a affirmé au FBI qu’elle reconnaissait Oswald comme un client du petit déjeuner sans pouvoir toutefois préciser l’heure de sa présence. Elle se souvient particulièrement d’une fois où Oswald, qui avait commandé des oeufs mollets, s’était plaint, une fois servi, qu’ils étaient trop durs Mme Harrison a continué en disant que lorsqu’il était au Dobbs House, Oswald ne parlait pas beaucoup, étant toujours occupé à lire des livres ou des magazines. Alors qu’elle l’avait vu plusieurs fois au restaurant, elle ne connut son identité qu’en voyant sa photo dans les journaux après le meurtre du Président Kennedy.
Bien que Mary Dowling paraisse s’être trompée en déclarant avoir vu Oswald aux environs de 10h du matin au restaurant, plusieurs rapports confirment la réalité de "l’histoire des oeufs" ainsi que le fait qu’Oswald ait été présent au Dobbs House à plusieurs reprises. Ce restaurant n’était situé qu’à deux blocs du meublé d’Oswald et il est donc logique qu’il y ait déjeuné à l’occasion.
Le rapport indiquant la présence de Tippit au Dobbs House chaque matin à peu près à la même heure est assez curieux. Il y a une grande différence à confondre quelqu’un que vous avez vu quelques fois (dans ce cas-ci Oswald) par opposition à une personne que vous verriez au même moment au même endroit chaque jour et que vous connaîtriez peut-être personnellement, tout au moins par son nom.
Le Dobbs House était à un peu plus de six milles (environ 10 km) au nord-ouest du point le plus proche du secteur de patrouille assignée à Tippit, (#78) et, dans des conditions de conduite normales, il fallait 17 minutes pour effectuer le trajet. Etant donné que Tippit travaillait dans le quartier de Oak Cliff depuis de nombreuses années et qu’il en connaissait certainement tous les raccourcis, ajouté au fait qu’il conduisait une voiture de police et n’était pas réellement assujetti aux règles du trafic, les temps de trajet indiqués en condition normale devaient, en ce qui le concerne, être réduits de quelques minutes, bien qu’il ait quand même à tenir compte un minimum des autres voitures et des piétons. C’est à partir de ce temps réduit que nous établirons notre référence comme Temps de Trajet de Tippit.
Comme nous le verrons, il y a d’autres rapports le montrant régulièrement éloigné de sa zone de patrouille. Pour que Tippit prenne une pause-café au Dobbs House au 1221 North Beckley, il lui fallait 15 minutes au minimum pour y arriver venant de son secteur, environ 10-15 minutes pour le café et de nouveau 15 minutes pour regagner ledit secteur de patrouille. Soit, au total, 45 minutes. Cela paraît donc parfaitement illogique que le département de police de Dallas ait pu autoriser une pause café si éloignée du lieu de travail de Tippit.
Malheureusement, ni Mary Dowling, ni Dolores Harrison ne furent jamais entendu, ni par la Commission Warren, ni par la Commission des Assassinats de la Chambre des Représentants (HSCA). Une recherche sur la base de données en ligne des Archives Nationales ne fait apparaître aucun document contenant ces noms.
A ma connaissance, aucun chercheur indépendant ne les a jamais interrogées.
Les interrogatoires faits par le FBI visaient à approfondir la relation Oswald-Ruby, non à établir les déplacements de Tippit. D’après les comptes-rendu des témoin oculaires dont nous disposons nous pouvons seulement en déduire que ce 22 novembre 1963, Tippit s’arrêta au Dobbs House à l’heure habituelle pour un café puisque cette journée a du probablement commencer comme n’importe quelle autre.
Une autre source concernant l’emploi du temps de Tippit vient du document de la Commission des Assassinats portant le numéro 180-10108-1045, émanant du meilleur ami et collègue de Tippit, l’agent de police Bill Anglin. Il s’agit de la transcription de son interrogatoire en date du 11 novembre 1977 où il affirme que Tippit et lui ont pris un café au "Old Drive In", le matin du 22 novembre 1963 entre 11h30 et 11h45. J.D. Tippit s’arrêtait habituellement chez lui pour déjeuner lors de sa ronde. Si tel est le cas, la logique voudrait que les deux hommes se soient retrouvés à l’Austin’s Barbecue situé 2321 West Illinois Avenue. Tippit y travaillait en tant que préposé à la sécurité les vendredis et samedis soirs de 22h à 2h du matin et ce, de fin 1960 jusqu’à son assassinat.(2) (le 22 novembre étant un vendredi, il aurait du y travailler ce même soir).
Dans une interview datant de 1982, le sergent Anglin fut interrogé sur l’endroit exact où les deux hommes avaient pris un café ce fameux 22 novembre au matin. Il a répondu que c’était très au sud de Oak Cliff, en dehors de leur zone d’îlotage. Bien qu’il y ait eu plusieurs "Drive-In" dans ce secteur en 1963 le seul restaurant que Tippit était connu pour le fréquenter était l’Austin. l’Austin’s Barbecue n’était pas dans la zone régulière de patrouille de Tippit, le secteur #78, ni dans celui de son collègue Anglin, le # 79.(3) J’ai personnellement recherché des microfilms des annuaires de la ville de Dallas pour 1963 et pour plusieurs années avant et après 1963 et n’ai pu trouver aucun lien pour un restaurant nommé "Old Drive-In". A ce stade, j’ai également contacté plusieurs chercheurs spécialiste de la région de Dallas et jamais ils n’avaient entendu parler du "Old Drive-In". Compte tenu de ces éléments, il est possible qu’ils se soient en fait retrouvés à l’ Austin’s Barbecue. Le fait que cette rencontre se soit produite entre 11h30 et 11h45 sera examiné plus loin. S’il s’avère qu’ils ont pris leur café dans un établissement situé sur leur propre secteur, l’horaire reste foncièrement le même car la distance du point où se rejoignent les secteurs de Tippit et d’Anglin à la maison de Tippit est à peu près identique à celle de chez Tippit à l’Austin’s Barbecue..
Dans la première version de cet article, je m’étais lancé dans une longue explication quant à la raison pour laquelle Bill Anglin avait pu faire erreur au sujet de l’heure exacte où il a pris un "café ou un thé" au "Old Drive-In" en compagnie de J.D. Tippit le matin de l’assassinat. A ce propos, je voudrais remercier Dale Myers pour son excellent livre "With Malice". Ce livre est un récit minute par minute du meurtre de Tippit et est indispensable à toute personne intéressée par ce sujet. Dans "With Malice", Dale livre l’information qu’il a reçue de son entrevue avec Bill Anglin le 29 mars 1983. Merci à Bill Anglin et à Dale Myers d’avoir clarifié cette information au plus grand profit de tous les chercheurs. Anglin aurait dit à Dale : "Nous avons pris une tasse de thé ensemble à environ dix heures et demie. Ma patrouille croisait la sienne et nous nous sommes arrêtés dans un petit drive-in, le "Rebel Drive-In"(page 39)". Lors de son audition par le HSCA, Anglin avait déclaré qu’ils s’étaient retrouvés à l’’extérieur de leurs secteurs respectifs. Ces derniers se croisaient à la hauteur de Leadbetter Drive et c’est exactement à cet endroit, entre Leadbetter Drive et South Loop 12, que se trouvait le Rebel Drive-in. Anglin a également dit à Dale "Si je me souviens bien, nous avions chacun fort à faire après cette pose thé et nous nous sommes quittés par des voies séparées". Cela est exact. Une fiche de liaison prouve en effet que Tippit, suite à un appel, s’est rendu à l’intersection des avenues Annarbor et Corrigan à environ 1.5 mile du Rebel Drive-In, juste à l’extérieur de son secteur. On sait peu de choses au sujet de cet appel, si ce n’est que Tippit a été demandé à cet endroit à 10h40, environ 10 minutes après sa rencontre avec Bill Anglin et qu’à 10h45 il avait quitté les lieux.
En 1963, à ce carrefour, se trouvaient aussi bien des résidences privées que des bâtiments d’affaire. Parmi ceux-ci, présents à cette époque, étaient la station service Hardin, l’institut de Beauté Alma, le Capps Washateria, la plomberie Molina et associés, et le restaurant Peter. A ce jour, le motif de cet appel m’est toujours inconnu. Mais, en quittant cet emplacement à 10h45, Tippit aurait eu largement le temps de parcourir les 5,2 miles qui séparaient le carrefour Annarbor et Corrigan de son domicile.
En temps normal, en condition de conduite ordinaire, un tel parcours prenait environ 15 minutes ce qui rendait tout à fait possible son arrivée chez lui pour déjeuner à l’heure estimée de 11h15. Le superviseur immédiat de Tippit pendant environ dix ans, le sergent Calvin Bud Owens, nous fournit d’intéressantes informations en page 8 de l’exposé numéro 2985 de la Commission de Warren. Il affirme que " l’agent Tippit était rentré chez lui pour le déjeuner, ce qui était un procédé normal et approuvé, et ce aux alentours de midi." Cependant, il ne mentionne pas quel était la durée de la pause déjeuner de Tippit. Néanmoins un examen de la transcription de Bowles indique que la plupart des pelotons qui avaient l’autorisation d’un "Signal 5" (absence du service le temps d’un repas ou d’un café) restaient hors service de 26 à 36 minutes. Il serait certainement plus juste de dire que le temps standard accordé aux agents de police pour prendre leur déjeuner était approximativement de 30 minutes.
La veuve du policier, Mme Marie Tippit, a déclaré à l’enquêteur du HSCA, John Moriarty, que " ce jour là, J.D. était rentré à la maison pour le déjeuner et que rien de particulier ne s’était produit". Mais elle ne mentionne aucun horaire exact quant à la venue de son mari ce fameux midi.(4) Nous ne pouvons donc qu’émettre des suppositions au sujet de ces horaires. Si la fourchette comprise entre 11h30 et 11h45 pour la pause café est correcte, nous avons alors un problème d’horaire pour Tippit. S’il a quitté l’Austin’s Barbecue à 11h45 et est allé directement chez lui au 238 Glencairn à South Oak Cliff, ce qui représente une distance d’approximativement 6 milles, il a du mettre approximativement 18 minutes dans des conditions de conduite normales. Si l’on se réfère à l’horaire de Tippit, il lui aurait en fait fallu 14 à 15 minutes pour revenir chez lui pour déjeuner aux environs de 12 h.
Logiquement, en effet, la plupart des personnes prennent leur déjeuner à cette heure, non ? Mais dans le cas présent il y a erreur car, par deux fois, à 11h50, Tippit transmet par radio au contrôleur de police l’information qu’il est disponible, ce à quoi le contrôleur répond : "78 (N° de son secteur) disponible" (transcription Bowles). Etant donné l’heure indiquée, la probabilité est grande que ces appels aient été émis alors que Tippit reprenait son service, son déjeuner terminé.
Nous avons l’horaire suivant :
11h30 à 11h45 : Café à l’Austin’s Barbecue.
11h45 à 12h00 : Temps mis par le policier pour se rendre de chez Austin à son domicile, 238 Glencairn.
?????? : Déjeuner.
11h50 : Tippit déclare qu’il est disponible (très probablement après son déjeuner).
Le problème avec cet horaire est qu’il n’a pas eu le temps de déjeuner, or nous savons par l’interview de sa veuve qu’il a définitivement pris son déjeuner chez lui ce 22 Novembre 1963. Fort de cette information, on ne comprend pas qu’il ait pu conduire 6 miles hors de son secteur pour s’en retourner chez lui pour immédiatement faire demi-tour et refaire un trajet retour de sept miles jusqu’à l’endroit où il appelle le contrôleur, dans son secteur de patrouille, et ce sans avoir pris son déjeuner. En outre il se disait disponible pour reprendre son service avant de rentrer chez lui déjeuner. De fait, tout cela n’a aucun sens.
Après avoir retourné ces suppositions dans tous les sens, la seule conclusion valable que l’on peut en tirer est que Bill Anglin s’est trompé au sujet de l’heure à laquelle il a pris un café avec son collègue Tippit. Les faits se sont produits en 1963 et le sergent Anglin a été interviewé à ce sujet en 1977. Après 14 ans, les événements de ce 22 novembre 1963 pouvaient être confus aussi, à ce propos et sans remettre en cause la volonté d’exactitude et de vérité du sergent Anglin, il ne s’agit très probablement ici que d’une erreur de bonne foi, involontaire.
S’ils avaient pris leur café entre 10h45 et 11h00 chez Austin alors l’horaire se comprendrait beaucoup mieux.
10h45 à 11h00 : Café à l’Austin’s Barbecue.
11h00 à 11h15 : Temps de trajet de Tippit de chez Austin à son domicile, 238 Glencairn.
11h15 à approximativement 11h50 : Déjeuner chez Tippit. 11h50 : Tippit prévient par radio qu’il est de nouveau en service et se dirige vers son secteur de patrouille.
11h50 à 12h17 : Temps de trajet de Tippit du 238 Glencairn à son secteur de patrouille.
Il est important de fournir au lecteur des informations au sujet des procédures du service de police de Dallas concernant les appels radio des voitures du peloton des patrouilleurs. En 1963 les agents de police n’étaient pas équipés de talkies-walkies aussi, chaque fois qu’un patrouilleur décidait de sortir de son véhicule, il devait envoyer un message radio à son contrôleur, le prévenant qu’il quittait son véhicule et lui indiquant l’endroit il se trouvait.
En passant en revue les enregistrements des messages concernant Tippit, j’ai constaté qu’il avait manqué des appels radio qui lui étaient adressés aux dates suivantes : 1/22/58, 3/18/59, 8/1/61, 5/15/63. Cela signifie que le contrôleur l’a appelé sur sa radio et qu’il n’a pas répondu.(5)
Ces faits ont été archivés dans des rapports subséquents par ses supérieurs. Il est certain que Tippit n’est pas le seul officier de police de Dallas à avoir jamais manqué un appel radio.
Je ne sais pas si, dans les directives, cela était considéré comme acceptable de la part d’un agent de police étant donné que Tippit a manqué 4 appels radio en l’espace de 5 ans et 5 mois ni si cet état de fait était meilleur ou pire que d’autres agents de la police de Dallas.
A 12h17, Tippit appelle par radio le contrôleur et déclare "être hors de la voiture pendant une minute, au bloc 4100 de Bonnie View Road". Cette information vient de la transcription Bowles du Canal 1. Un examen rapproché de ce document montre que le contrôleur de police n’a transmis aucun ordre à Tippit de se rendre à cet endroit sur Bonnie View Road. Peut-être Tippit, patrouillant sur son secteur après le déjeuner, a-t-il noté quelque chose de suspect ou bien a-t-il été arrêté par un citoyen et invité à s’occuper de quelque chose qui se passait au bloc 4100 de Bonnie View Road. 4100 Bonnie View Road se trouve à 7.5 milles du domicile de Tippit avec un temps de trajet normal de 24 minutes. Tippit ayant pu mettre de 18 à 20 minutes cela lui aurait donné largement le temps, entre 11h50, heure à laquelle il a repris son service, de se rendre sur ce lieu de son secteur où il a quitté son véhicule à 12h17.
Dans son livre "Enquête sur un Homicide", à la page 71, Judy Bonner affirme que "l’appel de Bonnie View Road s’est avéré être un coup dans l’eau, une vieille femme croyant avoir vu un homme tenter de cambrioler une maison voisine. Poliment, Tippit a pris bonne note de son histoire, fait une recherche infructueuse dans le voisinage puis est retourné à son véhicule pour rédiger un rapport et prévenir par radio de sa nouvelle disponibilité". Je ne sais pas comment Judy Bonner a obtenu cette information. Tippit a été tué une heure plus tard et une recherche du rapport mentionné est restée sans succès. Quoiqu’il se soit passé au 4100 Bonnie View Road, cela a duré fort peu de temps puisque 3 minutes plus tard, à 12h20, Tippit rappelait son contrôleur et déclarait "78 disponible".
Bien que Tippit n’ait pas reçu l’ordre du contrôleur de se rendre au bloc 4100 de Bonnie View Road, il n’y a aucune raison de réfuter l’authenticité de cet événement.
Il n’y a également aucune raison d’affirmer que cet événement a été mis en scène de quelque façon que ce soit, puisque l’endroit où il s’est arrêté à a été connu du contrôleur et que des témoins éventuels auraient pu avoir été retrouvé si la situation l’avait nécessité. L’information la plus valable situe donc Tippit au bloc 4100 de Bonnie View Road entre 12h17 et 12h20 ce 22/11/63.
Peu de temps après la publication de cet article, le chercheur irlandais Chris Scally m’a envoyé une lettre qu’il a lui même reçue du défunt Larry Harris en 1984 contenant des informations sur l’appel du 4100 Bonnie View Road.
Larry a écrit "en 1978, j’ai interviewé le directeur d’une épicerie au 4121 Bonnie View Road ; il m’a dit qu’aux alentours de midi le 22/11/63, il a attrapé une femme voleuse à la tire et a téléphoné à la police ; c’est Tippit qui a répondu. Le directeur de magasin connaissait Tippit parce que c’était presque toujours lui qui répondait aux appels concernant les voleurs. Le directeur m’a dit que Tippit a embarqué la femme dans sa voiture et est parti. Donc, de fait, Tippit était sur une interpellation à 12h17. Néanmoins, il est troublant et peut-être significatif que cet incident n’est pas été traduit d’une manière plus caractéristique sur les bandes ou les transcriptions."
Ken M. Holmes Jr, l’enquêteur de Larry Harris confirme cette histoire. En 1963 le super marché Hodges occupait bien le 4121 Bonnie View (Annuaire 1963 de la ville de Dallas).
Lors de mon dernier voyage à Dallas en Novembre 1997 le petit centre commercial qui renfermait ce magasin était vide avec des panneaux "A vendre" sur sa façade.
Qui était cette voleuse à la tire, que lui est-il arrivé, comment Tippit a-t-il été réellement appelé à cet endroit et quel impact cela a-t-il pu avoir sur la suite des événements, tout ceci n’est toujours pas connu. Cette histoire a reçu la confirmation de l’épicier qui était un témoin oculaire connu et interviewé, alors que l’histoire de l’ouvrage "Enquête sur un Homicide" qui a été précédemment rapporté dans mon article original n’a été jamais confirmé.
QUEL EST LE PROBLÈME AU SUJET DE L’HEURE DU DÉJEUNER OU DE L’APPEL AU 4100 BONNIE VIEW ROAD ?
Juste ceci. Si Tippit, comme certains l’ont pensé, a été impliqué dans l’assassinat en tant que tireur ou conspirateur, il est maintenant 12h20 et il se trouve à environ 7.5 miles de Dealey Plaza, lieu de l’assassinat de Kennedy. L’horaire prévu pour l’arrivée du Président Kennedy au Trade Mart de Dallas était 12h30 (6) ce qui signifiait que le Président allait passer sur Dealey Plaza à environ 12h15/12h20 si le cortège respectait l’horaire. J’ai admis que si Tippit était impliqué dans l’assassinat, il pouvait avoir suivi la progression du cortège sur le Canal 2 de la radio de la police afin de connaître sa position exacte. Mais, en allant prendre un café avec son meilleur ami puis en rentrant chez lui pour déjeuner et enfin en s’arrêtant pour une interpellation au 4100 Bonnie View Road, il aurait été plus que juste si il lui avait fallu se rendre au centre de Dallas pour participer à la fusillade ou pour aider les assassins de quelque manière que ce soit.
Le moment suivant où nous sommes à même de situer Tippit vient des informations des transcriptions radio. A 12h45, 15 minutes après l’assassinat, il lui est demandé sa position et il répond "Je suis près de Keist and Bonnie View", carrefour qui se trouve dans son secteur de patrouille. Puis, vient le message qui a tant été débattu depuis le jour de son émission.
Le contrôleur Murray Jackson, (un ami personnel de Tippit) donna l’ordre aux pelotons # 87 et #78 de se diriger vers le centre du quartier d’Oak Cliff. Le raisonnement de Jackson au sujet de cet ordre était : "Il y avait eu une fusillade visant le Président et nous avons immédiatement acheminé chaque unité disponible vers le Triple Underpass (triple pont routier fermant Dealey Plaza à l’Ouest) d’où il était apparu que les tirs provenaient. Je me suis alors rendu compte que nous vidions le quartier d’Oak Cliff de tous ses officiers de Police en service et que s’il se présentait une urgence telle qu’un vol ou un accident important je n’aurais eu personne à proximité pour répondre à l’appel. Et puisque J.D. (Tippit) était l’Unité la plus éloignée, j’avais alors deux Unités, la #87 qui était l’Agent Nelson et la #78 qui était l’agent Tippit" (à ce moment, Bill Anglin, le patrouilleur du District #79 était plus au sud et plus éloigné du Texas School Book Depository que Tippit le patrouilleur du District #78). (7) Il est également intéressant de noter que Bill Anglin a répondu à l’appel radio du contrôleur de 12h42 qui disait : "Attention, tous les pelotons vers le centre ville code 3 (gyrophare et alarme) sur Elm et Houston (Elm Street et Houston Street/Dealey Plaza) avec prudence". A 12h52 Anglin indiquait au contrôleur qu’il "serait à la sortie du Triple Underpass" (Dealey Plaza).
Mais voilà ce qui devient particulièrement intéressant : Aux environs de 12h45 à 13h, 5 témoins oculaires situent Tippit, non au centre de Oak Cliff mais à la Gloco (Good Luck Oil Company), station service se trouvant au 1502 North Zangs Boulevard. A l’extrême nord de Oak Cliff.
En 1966, par un article dans le magazine "Ramparts", le chercheur William Turner affirme que lors d’un récent séjour à Dallas il a "trouvé cinq témoins des allées et venues de Tippit dans les dernières minutes de sa vie. Il n’y a aucune indication que la Commission (Commission Warren) ou n’importe quelle agence de police ait jamais eu connaissance de leur existence. Le photographe Al Volkland et son épouse Lou, connaissant tous deux Tippit, déclarent que 15 ou 20 minutes après l’assassinat ils l’ont aperçu à une station service et lui ont fait un signe de la main. Ils ont vu le policier assis dans sa voiture à une station service Gloco à Oak Cliff observer les véhicules venant du centre de Dallas par le viaduc de Houston Street. Trois employés de la station service Gloco, Tom Mullins, Emmett Hollingshead et J.B. "Shorty" Lewis, tous trois connaissant Tippit, ont confirmé l’histoire du couple Volkland. (En 1987 le chercheur de Dallas Greg Lowrey a retrouvé deux des cinq témoins mentionnés précédemment qui ont attesté la réalité des faits dont ils avaient été témoin 24 ans plus tôt, et il n’y a aucune indication que quelque autorité judiciaire que ce soit ait jamais interrogé ces 5 témoins. Cette histoire a été publiée dans la Tribune d’Oak Cliff du 30 Juin 1988). Ils ont affirmé que Tippit était resté à la station service pendant environ 10 minutes, à peu près entre 12h45 et 13h00, puis était brusquement reparti sur Lancaster Ave., à grande vitesse, en droite ligne vers l’appartement de Jack Ruby et dans la direction du lieu où il sera tué quelques minutes plus tard". J’espère que ce dernier énoncé au sujet de l’appartement de Ruby n’entraînera pas le lecteur vers de funestes conclusions. Avec toute l’équité due aux témoins de la station service Gloco qui ont rapporté ces faits, je voudrais souligner de nouveau que Tippit se trouvait sur la partie la plus au nord de Oak Cliff.
Il ne pouvait que se diriger vers le sud s’il devait rester à Oak Cliff. Il est vrai que de se déplacer vers le sud sur Lancaster Ave. mène directement vers le domicile de Jack Ruby mais c’est aussi la direction principale du secteur de patrouille de Tippit, du magasin Top 10 Record, du domicile du policier ainsi que de divers autres points essentiels du quartier d’Oak Cliff (voir la carte des déplacements de Tippit).
Ces informations ont été fournies par le spécialiste de l’affaire Tippit, Greg Lowrey, avec le concours de Bill Pulte. Greg se souvient de ses entrevues avec les employés de la station service de Gloco, Emmett Hollingshead et J.B "Shorty" Lewis. Ils étaient tous les deux certains que Tippit était arrivé à la station service de Gloco "quelques minutes" après la fusillade de Dealey Plaza. Greg dit " Il n’y avait tout simplement aucun doute à ce sujet dans leur esprit, ils étaient absolument sûrs d’eux". Bill Pulte m’a indiqué que ces témoins pouvaient avoir entendu à la radio qu’on avait tiré sur le cortège dans les minutes qui ont suivies l’assassinat. Ou encore, des automobilistes venant du Viaduc de Houston Street et s’arrêtant pour prendre de l’essence pouvaient avoir informé les employés de Gloco au sujet de la fusillade.
(notez la proximité du centre ville. Au dessus de l’arbre au
premier plan on distingue Reunion tower qui domine Dealey Plaza)
L’emplacement de l’ancienne station service Gloco se trouve à environ 1.5 mile du Texas School Book Depository. Certains ont speculé sur le fait que Tippit était à la station service Gloco à 13h03, qu’il s’était éloigné de sa radio et avait ainsi manqué l’appel du contrôleur de la police. Il n’y a aucun rapport documenté de témoin pour appuyer le fait qu’il ait quitté la voiture. Bill Pulte m’a informé qu’à cette époque, certain policiers montaient le volume de leur radio et laissaient la porte du véhicule ouverte s’ils le quittaient tout en veillant à rester en contact étroit avec la voiture. Cela laissait à l’agent une plus grande chance d’entendre les messages de police et réduisait la probabilité de manquer un appel. Si de fait Tippit avait eu besoin de pénétrer à l’intérieur de la station service Gloco pour quelque raison que ce soit, il aurait probablement pu déplacer son véhicule de la position où il observait le trafic venant du Viaduc de Houston Street vers un autre emplacement plus proche du bâtiment lui même pour ensuite sortir de la voiture. Ceci, combiné avec la "technique de porte ouverte", pouvait diminuer la possibilité pour Tippit de manquer un appel.
L’article se poursuit en posant les légitimes questions suivantes "Qu’est ce que Tippit aurait pu avoir entendu ou vu pour le faire quitter son poste d’observation à la station service Gloco et démarrer sur les chapeaux de roue ? Les communications radio de la police ne font état d’aucun ordre de se déplacer. Nous savons que le chauffeur de taxi, William Whaley, a dit qu’il avait conduit Oswald, par le Viaduc de Houston Street (passant devant la station service Gloco au moment même où Tippit est rapporté s’y trouver), jusqu’à un point près de la maison où il avait sa chambre (1026 North Beckley). Est-il possible que Tippit, ayant aperçu Oswald dans le taxi et l’ayant reconnu ait, pour une quelconque raison, démarré en trombe afin de l’intercepter ?
Regardons maintenant ces rapports de manière analytique. A 12h45 le contrôleur de police demande à Tippit de se localiser. Tippit répond "Je suis au croisement de Keist et de Bonnie View"(8). Il nous faut remettre en cause la véracité de cette réponse. Le contrôleur de police, Murray Jackson, a déclaré dans une interview que "si un gars sort délibérément de son secteur et que vous lui demandez sa position, soit il ne répondra pas, soit il vous donnera une adresse bidon de toute manière". Il est beaucoup plus facile de croire que Tippit n’a pas dit la vérité au sujet de son positionnement que de contester les dépositions de 5 témoins qui le connaissaient personnellement et le situent à environ 5 miles du lieu où lui-même dit avoir été et ce pratiquement à la même heure. Le temps de trajet estimé entre l’intersection de Keist et de Bonnie View et la station service de Gloco dans des conditions de conduite normales est de 18 minutes et de 13-14 minutes pour Tippit. Etant donné la position où il a été vu de 12h45 à 13h00 et le temps de parcours mentionné, la logique voudrait que Tippit, pour des raisons inconnues, se soit effectivement aventuré hors de son secteur de patrouille approximativement à l’heure où était commis l’assassinat. Quelque bon agent de police qu’il ait été, J.D. Tippit n’aurait pu se trouver à deux endroits en même temps. A 12h54, le contrôleur Murray Jackson appelle Tippit pour qu’il se localise et ce dernier répond qu’il se trouve à :
Quelques chercheurs ont speculé sur le fait que Tippit avait pu s’arrêter en passant chez Harry Olsen, un agent de la police de Dallas qui s’était brisé la rotule et qui, de sa propre initiative, avait pris un job parallèle, gardant un "Domaine" à Oak Cliff de 7h du matin à 8 h du soir le jour de l’assassinat.(9) C’était dans les environs de l’endroit où Tippit à trouvé la mort. Olsen n’a plus beaucoup de souvenirs à ce sujet mais il dit que le "Domaine" se trouvait sur Eighth Street, sans pouvoir en préciser l’emplacement exact ni l’adresse. Ni la Commission Warren, ni le HSCA ne lui ont expressément demandé si Tippit était passé le voir. Ce qui suit est un extrait de l’interrogatoire de Harry Olsen par le conseiller Arlen Specter devant la Commission Warren.
Mr. Specter : Avez-vous eu des visites tandis que vous gardiez le domaine, ce jour ?
Mr. Olsen : Oui, monsieur.
Mr. Specter : Et qui était le visiteur ou les visiteurs ?
Mr. Olsen : Kay (10)
Mr. Specter : Quand vous a-t-elle rendu visite ?
Mr. Olsen : Juste après que l’on ait tiré sur le Président.
Mr. Specter : Comment avez-vous appris l’assassinat du président ?
Mr. Olsen : Une femme m’a appelé au téléphone ; c’était une amie de la personne qui avait habité là.
Mr. Specter : Savez-vous qui était cette femme ?
Mr. Olsen : Non, monsieur. Elle voulait savoir si j’avais entendu les nouvelles et j’ai dit non, alors elle a dit "On a tiré sur le Président".
Mr. Specter : Quand cet appel téléphonique a-t-il eu lieu ?
Mr. Olsen : Juste après la fusillade. Je ne sais pas exactement qu’elle heure il était.
Mr. Specter : Avez-vous parlé à quelqu’un d’autre au téléphone ou en personne entre l’appel téléphonique et le moment où Kay vous a rendu visite ?
Mr Olsen : A des passants. Je suis sorti dans la rue.
Mr. Specter : Qui avez-vous vu dehors ?
Mr. Olsen : Personne dont je connaisse le nom. Les gens disaient "avez-vous entendu les nouvelles ?" Et j’ai répondu "oui, j’ai entendu."
QUE VEUT DIRE TOUT CELA ? L’histoire du "domaine" d’Olsen a été retournée dans tous les sens par la communauté des chercheurs. Cela me stupéfait que, bien que le HSCA ait su que des questions restaient en suspens au sujet des activités de Olsen l’après-midi de l’assassinat, on n’ait posé aucune question spécifique pour vérifier et clarifier cette situation lorsque Olsen déposa sous serment le 21 Août 1978 devant Robert Genzman, conseiller du HSCA.
Olsen témoigna devant la Commission de Warren que le "domaine" se trouvait à environ quatre pâtés de maisons de l’appartement de Kay Coleman qui, nous le savons, se trouvait au 325 North Ewing.(11)
Il y a environ 0,8 miles entre la station service Gloco et l’intersection Lancaster et Eighth. Le temps de trajet normal est d’environ 4 minutes mais puisqu’il "fonçait" lorsqu’il a quitté la station service il a pu parcourir cette distance en bien moins de 2 minutes. Cela s’ajuste définitivement dans le cadre horaire/direction décrit par les 5 témoins.
Fort de cette information, il est possible de situer approximativement le "domaine" sur Eighth Street. Lors d’un récent voyage à Dallas, je me suis rendu sur les lieux, accompagné par un chercheur Texan qui avait étudié le cas Olsen de manière approfondie. Les deux localisations les plus vraisemblables du "domaine" sont 423 Eighth Street ou 431 Eighth Street.(12)
Lors d’une visite récente à l’Assassination Archives and Research Center à Washington D.C., j’ai pu retrouver une interview de Harry Olsen par le chercheur William Turner datant de 1967. On parle de plusieurs choses dans cette interview mais ce qui nous intéresse tout particulièrement pour cet article c’est lorsque Olsen dit que le jour de l’assassinat il gardait une maison délabrée dans le quartier d’Oak Cliff, assis à l’intérieur. Il ajoute qu’un mandataire l’avait embauché pour garder la propriété d’une personne récemment décédée. Il a entendu des sirènes mais n’a vu rien lui-même.
Si cette information au sujet d’une "maison délabrée" est vraie alors il est vraisemblable que les chercheurs auraient du se mettre en quête d’un bâtiment d’aspect très différent du "domaine" mentionné dans le témoignage de Olsen devant la Commission Warren. Des amis à moi hommes de loi précisent qu’un domaine peut être un grande parcelle de propriété mais peut aussi signifier l’ensemble des biens et créances laissés par une personne à sa mort, les deux définitions étant communément utilisées. A ce jour, la localisation exacte de ce "domaine" reste incertaine.
Puisqu’il n’y a aucune preuve formelle pour attester qu’Olsen ait vu Tippit ni que Tippit soit passé devant chez Olsen et compte-tenu du témoignage de Olsen, la conclusion la plus pertinente à ce stade est que Tippit ne s’est pas arrêté pour voir Harry Olsen. Bien que Olsen ait admis connaître Tippit,(13) l’horaire décrit ici ne laisse pas à Tippit beaucoup de temps pour rendre visite à Olsen. Je crois que Tippit avait à s’occuper d’affaires plus urgentes.
Nous avons maintenant Tippit "fonçant" plein sud sur Lancaster à partir de la station service Gloco au coin de North Zangs et de North Marsalis Ave. L’itinéraire exact suivi alors par Tippit jusqu’à la fois suivante où il a été vu offre plusieurs possibilités.
En raison du manque de témoins à ce moment précis de l’horaire, nous ne connaîtrons probablement jamais les mouvements exacts de Tippit.
Le professeur Bill Pulte m’a rapporté l’histoire suivante. Bill interviewait un individu qui avait vécu, depuis le début des années 1960 dans le voisinage du lieu où Tippit avait été tué. L’homme acceptait de parler à condition que son identité ne soit pas révélée ; Bill Pulte m’avait indiqué que cette information, sur d’autres points, était très précise. Ils parlaient de beaucoup de choses concernant la mort de Tippit puis l’homme dit à Bill "Si vous projetez d’approfondir vos recherches sur Tippit, vous devriez essayer d’en savoir plus au sujet d’une rixe qui a eu lieu au coin de la 12th et de Marsalis quelques minutes avant le meurtre de Tippit".
A ce jour, aucun autre détail au sujet de cette altercation n’est connu. Tippit pourrait-il avoir vu cette querelle de rue et remarqué un ou plusieurs des participants prendre la fuite en voiture ou à pied ? Quelqu’un aurait-il pu arrêter le véhicule de police pour alerter Tippit ? Tippit lui même pourrait-il avoir été impliqué dans cette rixe ? Autant de questions auxquelles nous ne pourrons jamais apporter de réponse.
Nous connaissons ces faits. Il n’y a aucune transmission radio de police ordonnant à Tippit de se rendre à l’intersection de la 12th et de Marsalis. Tippit descendait en trombe Lancaster Road depuis la station service Gloco en direction de 12th et Marsalis (voir la carte mise à jour : Carte n°2)
Si Tippit était impliqué dans quelque affaire que ce soit à 12th et Marsalis, cela pourrait expliquer une nouvelle part de temps non justifiée entre le Tippit vu à la station Gloco et celui vu au magasin Top Ten Record.
De nombreux livres et magazines ont relaté la rencontre suivante faite avec Tippit mais cet épisode est resté confus à mes yeux jusqu’à ce que j’obtienne les transcriptions des interviews des deux hommes qui y figuraient. Cet événement à eu lieu au magasin Top Ten Record (The Top Ten Record Shop) qui se trouve au coin de West Jefferson Boulevard et de Bishop Ave., à environ un pâté de maisons à l’ouest du Texas Theater.
En 1963, dans le magasin de disques, Louis Cortinas était un jeune employé de dixhuit ans. Son patron, directeur du l’établissement, était Dub Stark. Dans une interview datant de 1981 avec Earl Goltz, journaliste au Dallas Morning News, Louis Cortinas à déclaré ce qui suit :
"J’étais derrière le comptoir du magasin Top Ten Record, 338, West Jefferson Boulevard, ce 22 Novembre 1963. L’agent de police J.D Tippit à garé sa voiture sur Bishop Street, l’avant pointé à peu près vers le nord, et est entré précipitamment dans la boutique en me demandant s’il pouvait utiliser le téléphone qui était sur le comptoir. Tippit était si pressé qu’il a dû demander aux gens qui étaient dans le passage de s’écarter".
"Tippit n’a pas parlé au téléphone, n’obtenant apparemment pas de réponse. Il est resté le temps de laisser sonner sept ou huit fois. Puis il a raccroché et est sorti rapidement ; il avait l’air bouleversé ou inquiet pour quelque chose.
"Tippit s’est élancé dans son véhicule à travers Jefferson, à redescendu Bishop jusqu’à Sunset ou il a grillé le stop et a tourné à droite dans Sunset" "Il y avait peut-être 10 minutes, pas plus de 10 minutes, que Tippit était parti quand j’ai entendu à la radio qu’on l’avait descendu".
Cortinas ajoute : "Parfois, pendant son service, Tippit venait au magasin de disque utiliser le téléphone. Je le connaissais pour avoir parlé avec lui de quelques problèmes, ayant eu de nombreuses fois des contraventions pour des courses de dragsters près de l’Austin’s Barbecue. Je le connaissais aussi pour l’avoir rencontré à l’Austin’s Barbecue".
Dub Stark a également déclaré que "Tippit a garé sa voiture de patrouille dehors, cette fois son collègue n’était pas avec lui, il a demandé la permission de se servir du téléphone, a passé un coup de fil, puis est parti en hâte, sans dire un seul mot".
Stark a ajouté : "il a juste eu le temps de se rendre à l’endroit où il a été abattu".
Stark connaissait Tippit car "Tippit venait souvent au magasin pour acheter des disques pour ses enfants, plusieurs fois également il s’est arrêté pendant son service pour utiliser le téléphone". Ainsi, de nouveau, nous voyons Tippit s’éloigner de façon régulière de son secteur de patrouille.
Compte tenu du comportement de Tippit et des déclarations des témoins, l’appel devait revêtir un caractère urgent. Dans une interview avec le détective Gus Rose (un des premiers fonctionnaires de police à interroger Oswald), ce dernier nous fait des révélations au sujet des conjonctures en présence dans le service de police de Dallas ce 11/22/63. "Par une journée aussi lourde en événements, Tippit devait être soumis à une terrible pression pour rester à l’écoute de sa radio et s’il avait eu à s’occuper d’une petite affaire personnelle, il se serait certainement précipité en hâte dans le magasin de disques pour essayer de régler cela et retourner au plus vite près de sa radio. Et il ne l’aurait pas crié sur les toits. Je veux dire par là qu’il n’aurait pas essayé de joindre le contrôleur pour lui dire qu’il devait quitter sa voiture pour un problème personnel. Il n’aurait pas voulu avoir à se justifier pour cela".
Le coup de téléphone avait-il à voir avec une affaire officielle de police ? Les témoins ont dit qu’il n’y avait pas eu de conversation, la logique voudrait donc qu’il n’y ait pas eu de réponse à l’autre bout du fil. Si la ligne avait été occupée, il aurait raccroché de suite mais Cortinas estime qu’il a laissé sonner sept ou huit fois. Il serait hautement invraisemblable qu’il ait cherché à joindre le quartier général de la police de Dallas. Il aurait pu le faire s’il avait été porteur d’une importante information qu’il ne voulait pas diffuser par radio. Mais cela n’a aucun sens qu’il ait voulu se servir du téléphone pour s’enquérir du niveau d’agitation qui régnait dans le centre de Dallas, sous prétexte que le trafic radio était très ralenti entre 13h00 et 13h15.
Je viens juste de terminer la deuxième partie d’un article en trois parties sur le magasin Top Ten Records pour "The Dealey Plaza Echo" en Angleterre. On y parle des événements du Top Ten Records ainsi que des gens qui y sont impliqués avec plus de détails que dans cet article. Pour obtenir des informations au sujet de ces magazines, vous pouvez contacter Ian Griggs par e-mail à l’adresse suivante :igriggs chez hotmail.com